Messages clés
- La fin de vie se révèle être un terme qui a plusieurs sens pour les Français et un sujet qu’ils s’approprient difficilement.
- Les résultats de cette enquête mettent en évidence une certaine distance des Français vis-à-vis de la thématique de la fin de vie : une majorité des Français ne se sent pas personnellement concernée par ce sujet, et notamment les jeunes, les hommes, les non diplômés et les catégories socio-professionnelles moins favorisées (ouvriers).
- La connaissance des Français concernant les modalités de la fin de vie en France est partielle et leur opinion est partagée vis-à-vis de la capacité des lois actuelles à garantir leurs volontés et préférences pour leur fin de vie.
- En effet, alors qu’environ 3 Français sur 4 (73 %) savent qu’il existe des lois encadrant la fin de vie en France, et qu’1 sur 2 s’estime être bien informé, seul 1 sur 6 en connait les principales bases.
- 16 % des personnes interrogées répondent correctement à au moins 6 des 8 des questions clés portant sur les connaissances des 4 principales caractéristiques des dispositifs que sont les directives anticipées, la personne de confiance, la sédation profonde et continue jusqu’au décès et le droit au refus de soins ; 43 % se révèlent être non ou peu informées sur ces sujets.
- Si la notion de personne de confiance est majoritairement connue des Français, sa connaissance est peu précise. Les directives anticipées et la sédation profonde et continue jusqu’au décès sont des termes relativement peu connus. Et le motif d’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès– c’est-à-dire la nature des souffrances permettant de formuler une demande d’accès – est connu de moins d’1 Français sur 2.
- Le niveau de connaissance objective de la population française s’avère donc être très différent de son sentiment d’être informé et apparaît globalement à améliorer. Ce déficit de connaissances est inégalement réparti, et se calque en partie sur les inégalités de santé en population générale : on est d’autant moins bien informé qu’on est ouvrier, on sait d’autant plus qu’on est cadre.
- La satisfaction à l’égard de la loi diffère peu selon la connaissance qu’on en a. Les Français ont une certaine réticence à aborder le sujet avec un professionnel de santé. En comparaison, il semble plus envisageable d’en parler avec un proche parmi les personnes qui ne l’ont pas encore fait. Il existe par ailleurs une tendance à repousser la discussion de la fin de vie La posture anticipatrice est la moins répandue. Moins d’1 Français sur 5 souhaiterait avoir cette discussion en amont avec un médecin, avant d’y être réellement confronté.
- Les attentes des Français sont tournées vers le soulagement de la souffrance et la proximité avec leurs proches. Les jeunes accordent également une forte importance à ces dimensions, tout en ayant un rapport plus distant au sujet de la fin de vie.
Cette enquête nuance les résultats de précédents sondages, parfois militants, et aide à sortir d’un débat binaire. Elle permet d’apporter les données de base d’une prochaine campagne de communication qui sera menée en 2023 par le CNSPFV en lien avec l’axe 1 du Plan National Soins Palliatifs Fin de Vie. D’autres travaux de recherche restent à conduire pour affiner les connaissances, besoins et attentes des Français vis-à-vis des différents aspects de l’accompagnement en fin de vie en France en intégrant notamment les données issues des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie lancés en décembre 2022.
Contexte
Le Centre National Fin de Vie – Soins Palliatifs (CNSPFV) a vocation à favoriser l’accès aux droits et à participer à l’amélioration de la fin de vie en France, en particulier en encourageant le dialogue entre les citoyens et les professionnels de santé. Il accompagne également la mise en œuvre du 5ème Plan national pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie 2021-2024.
En France, la fin de vie est encadrée essentiellement par plusieurs lois (Loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (dite loi Neuwirth), loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner) ; les plus récentes sont la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, et la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti. La première interdit notamment « l’obstination déraisonnable », la deuxième institue, en particulier, le droit pour un patient confronté à des souffrances qu’il juge insupportables et dont le décès est inéluctable à court terme, à bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Dans ce contexte, et dans le cadre de l’axe n°1 du 5ème Plan national pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie (favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie) et à la demande du ministère de la Santé et de la Prévention, le CNSPFV a piloté une étude avec BVA Group sur « Les Français et la fin de vie ».
Objectifs de l'étude
Les objectifs de l’étude sont de :
- évaluer les connaissances des Français concernant l’accompagnement de la fin de vie et les différents dispositifs prévus par la loi (désignation de la personne de confiance, rédaction des directives anticipées, refus de soin dans une situation d’obstination déraisonnable, sédation profonde et continue jusqu’au décès),
- analyser les représentations des Français sur leur propre fin de vie. Il s’agit de faire un état des lieux large et complet des connaissances et attentes des citoyens sur le sujet pour aider à orienter un plan de communication national et la prochaine campagne nationale du CNSPFV,
- renforcer la démarche d’information et sensibilisation des citoyens sur la fin de vie et leurs droits conformément aux missions du CNSPFV.
Méthode
La méthode utilisée est une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 1003 personnes âgées de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée grâce à la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes :
- l’âge
- le sexe
- la profession de l’interviewé et de la personne de référence du ménage
- la région d’habitation
- la catégorie d’agglomération
L’enquête a été réalisée par téléphone du 23 septembre 2022 au 1er octobre 2022 par l’Institut de sondage BVA.
Résultats
Cette enquête apporte des résultats sur :
- les perceptions des Français en matière de fin de vie
- leur intérêt sur ces questions
- leurs préférences ou souhaits pour leur fin de vie
- leurs connaissances des dispositifs législatifs encadrant la fin de vie et leur niveau d’information
Parmi les 1 003 personnes âgées de 18 ans et plus constituant l’échantillon représentatif de la population française :
- 48 % s’estiment en très bonne santé
- 45 % s’estiment en assez bonne santé
- 6 % s’estiment en mauvaise santé
- 4 % s’estiment en assez mauvaise santé
- 2 % s’estiment en très mauvaise santé
La période de fin de vie recouvre différentes échéances
- 30 % des Français associent la période de fin de vie aux dernières années de vie, et notamment les plus jeunes (parmi eux 41 % sont âgés de 18 à 24 ans) et les femmes (65 % sont des femmes)
- 20 % (soit 1 Français sur 5) associent la période de fin de vie aux derniers mois de vie
- 13 % associent la période de fin de vie aux dernières semaines de vie
- 14 % associent la période de fin de vie aux derniers jours de vie
- 15 % l’associent aux dernières heures de vie
- 8 % ne se prononcent pas sur la façon dont ils associent la période de fin de vie
Un sentiment de ne pas être personnellement concerné par la fin de vie
La majorité des Français ne se sent pas personnellement concernée par les questions liées à la fin de vie (59 %). C’est le cas des moins de 35 ans (77 %) et le cas aussi de la majorité des employés et ouvriers (70 %). 61 % de ceux qui ne se sentent pas concernés s’estiment en bonne santé.
A l’opposé, les 41 % de Français qui se sentent personnellement concernés par le sujet de la fin de vie sont âgés de 65 ans et plus (54 %). 71 % de ceux qui se sentent concernés s’estiment en mauvaise santé.
Le statut socio-professionnel influe également : ce sont plutôt des cadres (57 % d’entre eux) qui déclarent se sentir concernés par le sujet de la fin de vie que des employés et ouvriers (30 % de ceux-ci).
Les souhaits en matière de fin de vie
- 1 Français sur 3 (37 %) a imaginé comment pourrait se passer sa fin de vie, ce chiffre passant à 43 % pour les 65 ans et plus.
- Moins d’1 Français sur 2 (44 %) déclare avoir déjà réfléchi à ses préférences ou souhaits pour sa fin de vie.
- 43 % des Français ont déjà évoqué leurs souhaits et préférences pour leur fin de vie à leurs proches. Parmi eux, la moitié sont des retraités respectivement 51 % et 49 %.
- 55 % des Français n’ont pas évoqué leurs souhaits et préférences pour leur fin de vie. S’ils envisageaient de le faire, 62 % privilégierait l’échange avec un proche et 45 % le feraient auprès d’un professionnel de santé.
Les interlocuteurs pour l’évocation de la fin de vie
- 18 % des Français souhaiteraient pouvoir discuter de leur fin de vie avec un médecin avant d’être confronté à la fin de vie, par exemple lors d’une consultation de routine ; 13 % des Français l’ont déjà fait auprès d’un professionnel de santé.
- Pour 32 % des Français, ils souhaiteraient pouvoir discuter de leur fin de vie avec un médecin s’ils étaient atteints un jour d’une maladie grave et difficile à soigner, alors que 25 % souhaiteraient pouvoir le faire seulement si cette maladie est à un stade avancé.
- Au demeurant, plus d’1 Français sur 5 (22 %) ne souhaite pas discuter de sa fin de vie avec un médecin, et 3 % ne se prononcent pas.
L’importance du soulagement des souffrances physiques, psychiques et spirituelles
- Une grande majorité de Français accorde de l’importance au soulagement des souffrances dans leur fin de vie dans le cas d’un décès prévisible à court ou moyen terme : souffrances physiques (88 %) et psychiques (77 %).
- Ils accordent aussi une grande importance à la prise en compte des besoins de leurs proches (85 %) et au fait d’être assurés du respect de leurs volontés (83 %).
- Une importance est également accordée à la possibilité de discuter du moment de leur décès pour une majorité de répondants (61 %).
- Dans une moindre mesure, 49 % des Français tiennent à ce qu’on prenne en compte leurs besoins spirituels et 45 % souhaitent, dans le cas d’un décès prévisible, être maintenus en vie le plus longtemps possible. Cependant, parmi ces 45 %, la majorité (59 %) déclarent que ce maintien en vie le plus longtemps possible ne serait pas un critère aussi important si elles n’avaient plus la capacité d’interagir et de communiquer avec leurs proches.
- Les attentes des répondants pour leur fin de vie apparaissent d’autant plus importantes qu’ils connaissent bien les dispositifs d’accompagnement existants. Les jeunes ont également des attentes très importantes, tout en ayant un rapport plus distant au sujet de la fin de vie.
L’importance des proches
Parmi les dimensions à privilégier, s’il fallait choisir la majorité des Français classe en premier le fait de pouvoir être entourés par les personnes qui comptent pour eux (76 % dont 87 % des moins de 35 ans et 86 % des ouvriers le classent en priorité).
Pour 41 % des Français, la priorité est la capacité à avoir toutes les informations nécessaires et pouvoir participer aux choix qui les concernent.
Pour 34 % la priorité est le fait d’avoir accès à tous les soins possibles, et pour 28 % des Français, c’est le lieu de leur décès qui compte le plus.
Préférence marquée pour le domicile pour finir ses jours
A la question de l’endroit où à priori ils souhaitent finir leurs jours, les Français préfèrent majoritairement leur domicile (60 %).
- 22 % déclarent que ce serait le domicile seulement si l’accompagnement nécessaire y est disponible
- 8 % auraient une préférence pour l’hôpital
- 3 % pour l’EHPAD ou la maison de retraite
Les modalités de transmission des volontés
Concernant les souhaits des Français sur le lieu où déposer leurs préférences relatives à leur fin de vie :
- 47 % préfèrent qu’elles soient déposées à leur domicile
- 25 % à la mairie ou chez le notaire
- 14 % chez le médecin ou à l’hôpital
- 7 % dans une base de données numérique et sécurisée
Sur les moyens préférés des Français pour transmettre leurs préférences concernant leur fin de vie :
- 48 % préfèrent une transmission orale
- 42 % une transmission écrite (dont 46 % des diplômés bac+3 et plus)
- 5 % par témoignage vidéo ou audio (ce chiffre passe à 11 % dans le groupe des moins de 35 ans)
Un niveau de connaissances partiel des dispositifs législatifs encadrant la fin de vie
- 73 % des Français déclarent connaître la loi sur la fin de vie ; ils sont 81 % parmi les 50 ans et plus
- 51 % se déclarent bien informés sur les modalités de la fin de vie en France ; ils sont 59 % parmi les 65 ans et plus.
- 48 % se déclarent mal informés ; ils sont 65 % parmi les moins de 35 ans.
En revanche, lorsqu’on évalue le niveau de connaissances objectif par 8 questions clés portant sur les principales caractéristiques des dispositifs législatifs relatifs à la fin de vie, seules 16 % des personnes donnent entre 6 et 8 bonnes réponses et apparaissent réellement bien informées.
En moyenne le taux de réponses correctes données par les Français aux huit questions de connaissance objective est de 3,8 sur les 8 questions clés posées, ce qui témoigne d’un niveau de connaissance objectif partiel au sein de la population française.
Globalement 8 personnes sur 10 se considèrent comme bien informées alors qu’elles ne le sont objectivement pas.
A propos du refus de traitement
- 90 % connaissent le droit de la personne malade de refuser un traitement proposé par un médecin (96 % parmi les catégories socio-professionnelles élevées).
- 61 % à connaître le droit du médecin de refuser un traitement, des soins ou des examens qu’il trouve inutiles et/ou disproportionnés (71 % parmi les catégories socio-professionnelles élevées).
A propos de la personne de confiance
- 42 % savent ce que la loi définit comme personne de confiance.
- 23 % le savent mais pas précisément.
- 35 % déclarent ne pas le savoir du tout.
- Parmi ceux qui déclarent savoir ce que la loi définit comme personne de confiance, 77 % définissent correctement cette notion (87 % parmi les diplômés bac+3 et plus, 85 % parmi les professions intermédiaires).
A propos des directives anticipées
- 24 % connaissent précisément le terme de directives anticipées.
- 19 % connaissent ce terme mais pas précisément.
- 57 % ne le connaissent pas (ils sont 67 % parmi les ouvriers).
Parmi ceux qui déclarent connaître le terme de directives anticipées :
- 59 % en définissent correctement l’objectif (70 % parmi les catégories socio-professionnelles élevées),
- 18% des Français ont rédigé leurs directives anticipées.
- Parmi les 81 % qui ne l’ont pas fait (ils sont 90 % chez les diplômés bac+5 et plus). 29 % savent comment les rédiger et envisagent de le faire, 15 % ne savent pas comment les rédiger, et 37 % déclarent ne pas avoir envie de le faire.
- 26 % (1 Français sur 4 ) sait que le médecin doit tenir compte des directives anticipées lorsque le patient ne peut plus s’exprimer à de rares exceptions près.
A propos de la sédation profonde et continue jusqu’au décès
- 39 % déclarent connaître précisément le terme de sédation profonde et continue jusqu’au décès (ils sont 54 % parmi les diplômés bac+3).
- 16 % déclarent connaître ce terme mais pas précisément, 45 % déclarent ne pas le connaître (ils sont 65 % parmi les ouvriers).
Parmi ceux qui déclarent connaître ce terme :
- 32 % l’associent à l’accélération de la survenue du décès,
- 46 % estiment à juste titre que la sédation profonde et continue jusqu’au décès peut être demandée pour tous types de souffrances intolérables,
- 43 % pensent que seules les souffrances physiques intolérables peuvent rendre possible cette demande,
- 11 % déclarent ne pas savoir,
- 62 % savent que l’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès peut être demandé à la fois par le malade ou sa personne de confiance et par le médecin dans certaines circonstances.
La garantie du respect de ses volontés et préférences
A l’égard des lois actuelles concernant la fin de vie, les avis sont partagés :
- 48 % estiment qu’elles ne garantissent pas le respect de leurs volontés et préférences pour leur fin de vie,
- 46 % estiment qu’elles le garantissent.
La satisfaction à l’égard de la loi diffère peu selon la connaissance qu’on en a.
Par ailleurs, les personnes souhaitant finir leurs jours chez elles tendent davantage à considérer que les lois ne permettent pas de respecter leurs volontés pour leur fin de vie, à l’inverse des personnes privilégiant l’hôpital.
Publication de l’article “Connaissances sur la fin de vie : un état des lieux” à lire disponible dans Médecine Palliative
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Les résultats de cette enquête mettent en évidence une certaine distance des Français vis-à-vis de la thématique de la fin de vie.
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Une majorité de Français ne se sent pas personnellement concernée par ce sujet, notamment les jeunes, les hommes, les non diplômés et les catégories socio-professionnelles les moins favorisées (ouvriers).